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Les liens

Introduction

Outre le recensement des différentes versions des Éléments d’Euclide, en considérant conjointement les manuscrits et les éditions imprimées, ainsi que les travaux qui s’y rapportent, MÉδÉE permet le recensement de leurs relations, avec là aussi les publications qui s’y rapportent. Les relations entre les textes font ainsi l’objet du même traitement que les textes eux-mêmes.

Mais avant la Renaissance, aucun manuscrit des Éléments ne contient d’indication spécifique sur son modèle. Pour les éditions imprimées, de telles indications sont rares et, au moins jusqu’à celle de Peyrard de 1814 incluse, peu fiables. Les éditions citées dans leurs commentaires ne sont pas non plus nécessairement celles utilisées pour établir leur texte principal (définitions, demandes, notions communes, énoncés des propositions et leurs démonstrations) auquel, sauf indication contraire, les analyses se limitent pour les éditions imprimées. Ce ne sont donc pas ces indications que les liens représentent en premier lieu mais le résultat d’une analyse des différences entre les textes.

L’identification des sources d’un texte et la caractérisation de son rapport à celles-ci ne peuvent la plupart du temps qu’être partielles, incomplètes et, ne serait-ce qu’à ce titre, provisoires. La lecture et la comparaison des textes et des études qui leur sont consacrées sont in fine les seuls moyens que chacun a pour connaître la nature de la relation d’un texte à un autre. Pour cette raison, MÉδÉE s’attache à faciliter l’accès à ces textes et aux études relatives à leurs relations à partir des liens qui les représentent.

Le fondement des liens représentés varie suivant la région du graphe pour des raisons à la fois historiques et historiographiques. Les relations entre les manuscrits grecs et une partie des premières éditions imprimées ont fait l’objet d’analyses propres par les deux auteurs. Les liens de ces deux régions doivent à ce titre être distingués de ceux des autres.

L’objet de cette section est de préciser la signification de ces liens et des relations qu’ils représentent selon les différentes régions du graphes.

La source et le but d’un lien

Tous les liens du graphe son orientés. Ils ont une source et un but. Les exemples ci-dessous indiquent les conventions adoptées dans le graphe.

On ne confondra pas la source d’un lien, et la source d’un texte.

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La verticalité d’un lien est généralement une indication de la fidélité d’un texte à son modèle : un lien vertical entre deux manuscrits indique un manuscrit copié sur un autre. Un lien vertical entre deux éditions imprimées indique une réédition sans changements repérés notoires entre leur texte principal.

La lisibilité oblige parfois à déroger à cette règle. Ainsi, des traductions dans des langues différentes et des rééditions éventuellement nombreuses d’une même édition ne peuvent pas toutes être placées verticalement sans se superposer. Certaines doivent donc être décalées.

Deux nœuds pouvant aussi avoir entre eux des liens de plusieurs types (“nouvelle édition” et “traduction” pour les éditions bilingues par exemple), il a été décidé d’adopter une forme commune (ligne droite avec de courts tirets) pour ne pas surcharger le graphe, sachant que la couleur des noeuds permet de différencier les nouvelles éditions des traductions : quand les deux nœuds sont de même couleur, le lien est du type “nouvelle édition”, et sinon du type “traduction”.

Pour les manuscrits grecs, l’épaisseur des liens distingue les copies sur des portions du texte presque complètes (épaisseur de 1), importantes (0,5) et moindres (0,1).

Ainsi, le Vat. gr. 1709 est une copie du Paris. gr. 2344 sur les Livres I-VIII.25 + IX.15-XIII (épaisseur 1), et une copie du Vat. gr. 1038 sur les portions VIII.25-IX.14 + XIV (épaisseur 0,1).

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Opposition des liens d’épaisseurs 1 et 0,1.

Les parentés sont toutes représentées par des liens d’épaisseur 0.5.

Ainsi le Marc. gr. Z 300 a des liens de parenté avec O et S (épaisseur 0,5) et est une copie du Vat. gr. 196 sur la portion X.86-XII (épaisseur 0,1), du Laur. 28.2 sur le Livre XIII (épaisseur 0,1) et du Dorvillianus 301 sur X.18-87 (épaisseur 0,1).

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Opposition des liens d’épaisseurs 0,5 et 0,1.

Les types de liens

Les manuscrits et les éditions imprimées des Éléments d’Euclide ont nécessairement été réalisés à partir d’un ou plusieurs manuscrits ou imprimés des Éléments d’Euclide. Ce sont ces relations que MÉδÉE s’attache à déterminer et à représenter par des liens.

Un lien ne représente que l’existence d’une telle relation entre les textes associés à chacune de ses extrémités. Le type de ce lien par défaut est arbitrairement appelé “nouvelle édition”. Cette désignation, qui prise littéralement est inappropriée pour les manuscrits, n’indiquea priori rien d’autre que l’existence de cette relation.

On ne peut a priori pas mieux caractériser la manière dont un manuscrit a été copié ou traduit qu’en renvoyant au manuscrit à partir duquel il l’a été. Cette relation peut cependant être à ce point variée et complexe qu’il n’est pas possible de l’identifier autrement que par les deux textes qui l’établissent. De même, on ne peut mieux caractériser la manière dont une édition imprimée a été réalisée qu’en considérant le couple qu’elle forme avec le texte à partir duquel elle a été réalisée. L’invention de l’imprimerie n’y change rien.

Mais si l’existence d’une telle relation est bien nécessaire pour tout manuscrit et imprimé, l’identification du texte à partir duquel il a été réalisé s’avère fondamentalement incertaine. Comment en effet déterminer le texte utilisé par Commandino pour son édition ? Comment ne serait-ce que savoir s’il a utilisé un manuscrit ou une édition imprimée (voir Vitrac (…), Vitrac & Herreman à paraître) ? Ne disposant que de l’édition de Commandino, comment déterminer la nature de sa relation à sa source ? Cette relation étant donnée par le couple des deux textes, l’incertitude touchant l’un rejaillit l’autre, et l’indéterminationa priori de leur relation ne permet pas l’identification du modèle. Tant le but du lien représentant cette relation que la relation représentée s’avèrent de ce fait incertains. Les incertitudes combinées du modèle et de la relation d’un manuscrit ou d’une édition imprimée à celui-ci induisent une double indétermination constitutive du problème de l’identification d’un modèle.

Pour marquer la distinction entre les cas où les deux textes sont de langues différentes ou non, nous utiliserons le type “traduction” dans le premier cas et “nouvelle édition” dans le second. Ces deux types recouvrent tous les rapports possibles entre un texte et sa source et il est souvent à peu près aussi difficile de déterminer qu’un texte est le résultat d’une traduction que d’en identifier le modèle. Le problème de la double indétermination se pose tout autant. Déterminer si l’édition de Commandino est simplement une traduction ne pose pas de problèmes de nature différente que la détermination de son modèle.

Il convient aussi de distinguer le cas important des manuscrits perdus (etoile_grec grec, etoile_latin latin, etoile_arabe arabe, etc.). La forme caractéristique des nœuds qui leur sont associés permet de les identifier sur le graphe. Les liens dont ils sont la source ou le but ont ceci de particulier qu’ils ne peuvent évidemment pas avoir été établis à partir de leurs caractéristiques textuelles attestées. Entre l’autographe perdu d’une édition (exemple : Théon), d’une traduction (exemple : Adélard 1140) ou d’une recension (at-Tûsî 1248) et un ou des exemplaires conservés (◾), le lien “nouvelle édition” signifie ici simplement que le second est un représentant conservé de la première. La signification est moins déterminée et indique une dépendance ou une parenté quand les deux manuscrits sont perdus ; cette dépendance ou parenté qui ne peut avoir été établie par la confrontation des textes est inférée à partir de témoignages ou résulte d’analyses produites dans le cas d’éditions critiques. Par exemple, la préface du codex de Leiden nous apprend que le traducteur arabe al-Hajjâj a révisé sa première version pour en produire une seconde, révisée et dépourvue de tout superflu ; si on lui accorde une certaine créance, cela justifie un lien (encore appelé “nouvelle édition”) entre les deux éditions hajjajiennes. Exemple de la deuxième situation : l’édition critique de la recension de Campanus 1259 par Busard procure une liste des sources employées par le Novarais parmi lesquelles figurent les versions d’Adélard 1140, de (Robert de) Chester, de (John of) Tynemouth … D’où des liens “nouvelle édition” pour désigner ces dépendances d’extension et d’intensité variables.

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Liens ayant pour source un manuscrit perdu (toutes langues)

Le graphe fait apparaître à cet égard une différence importante dans le traitement des manuscrits grecs comparés aux autres (latins, arabes, etc.) :de nombreux liens entre manuscrits grecs conservés sont indiqués ; ce n’est pas le cas pour les manuscrits conservés dans les autres langues ; les liens déterminés impliquent toujours pour celles-ci un manuscrit perdu. Les relations correspondantes ne procèdent donc pas d’une identification établie par la comparaison des manuscrits à laquelle elle se rapporte. Il s’agit bien sûr d’une différence de nature historique et historiographique : soit il n’y a pas de témoins conservés d’une version historiquement attestée (versions hajjajiennes), soit il n’y a pas encore d’édition critique (version dite Ishâq-Thâbit), soit de telles éditions existent, mais n’ont pas donné lieu à une classification des manuscrits (traductions arabo-latines etrecensions).

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Liens de type “copie” entre manuscrits (toutes langues)

Les manuscrits sont dans leur grande majorité l’œuvre de copistes-calligraphes dont la motivation fondamentale est la reproduction du texte, si possible sans altération, à la différence des (rares) éditeurs, réviseurs et copistes-savants qui visent à l’améliorer. Par conséquent, ces exemplaires n’ont guère subi d’autres transformations que celles associées à ce mode de transmission (fautes, mutilations, mésinterprétations de certaines annotations marginales, par exemple confondre une scholie avec une correction ou une variante du texte).

C’est là une différence majeure avec les éditions imprimées affranchies de l’enjeu de conservation et qui sont, pour la plupart, le produit de leur “interprète”, impliquant une intervention éditoriale, leur rapport à leur “modèle” étant de ce fait fondamentalement différent de celui d’une copie à son modèle. Il existe ainsi pour les manuscrits une relation élémentaire, définissant un type de lien spécifique : la copie. Cette relation élémentaire est sans équivalent pour les imprimés. Le problème de la double indétermination demeure cependant entier, mais selon une forme spécifique. En effet, si la copie définit une relation déterminée entre un manuscrit et sa copie, leurs différences n’en sont pas moins aussi indéterminées. Il n’est a priori pas possible de déterminer le modèle à partir de sa copie, comme il est impossible, pour la même raison, de caractériser le mode de copie à partir de la seule copie.

Cette indétermination se combine avec un autre phénomène indépendant : la perte des manuscrits. Le plus ancien exemplaire complet conservé, le Vaticanus græcus 190 copié vers 830,est à peu près équidistant de l’autographe d’Euclide — que l’on peut supposer avoir été rédigé autour des années 300 avant l’ère commune — et de nous ; nous n’avons donc qu’un accès très fragmentaire aux onze premiers siècles de la transmission du texte. Les variations de densité des nœuds suggèrent aussi que de nombreux exemplaires grecs antérieurs à la phase Paléologue ont disparu : avant 1260, toutes catégories confondues, 12 exemplaires sont conservés ; après 1250, 116. Aucun des 12 témoins anciens n’est une copie d’un des autres ; leurs modèles nous sont donc inaccessibles.

A ce cas correspond cette fois pour les imprimés, non tant le cas improbable d’une édition dont tous les exemplaires auraient été perdus, mais celui d’une édition dont on ignorerait l’existence. Un manuscrit peut toujours être considéré être une mauvaise copie d’un manuscrit donné ou une copie parfaite d’un manuscrit perdu. L’incertitude sur le modèle, induite par sa perte possible, voire probable, et l’incertitude des différences entre la copie et son modèle induisent donc à nouveau une double indétermination aussi constitutive du problème de l’identification du modèle d’un manuscrit.

Cette double indétermination pose un problème commun à l’identification des modèles des manuscrits et des éditions imprimées, mais avec des fondements et des caractéristiques propres à chacun qui donnent lieu à des problèmes spécifiques.

Ainsi, le phénomène de copie et la prise en compte de la perte de manuscrits conduit à distinguer une relation de parenté entre deux témoins du texte, c’est-à-dire la relation entre un manuscrit et un autre dont il n’est pas la copie directe, soit que des manuscrits intermédiaires en nombre indéterminé soient perdus, soit que les deux témoins dérivent d’un ancêtre commun pas trop éloigné qui leur a transmis un certain nombre de caractéristiques propres, qui font qu’ils constituent une (sous-) famille et qui les distinguent des autres.

Sans que la limite puisse en être clairement établie, la relation élémentaire de copie permet en effet de distinguer pour un ensemble donné de modèles, les manuscrits considérés en être des copies directes (“copie”), de ceux considérés en être des descendants (“parenté”). En dépit de la possibilité d’éditions imprimées ignorées, l’absence de toute relation élémentaire entre celles-ci ne permet pas d’y introduire une opposition similaire. Comme par ailleurs cette opposition se rapporte aux relations entre des manuscrits conservés,de fait MÉδÉE ne l’appliquera pasn on plus aux manuscrits dans d’autres langues que le grec.

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Liens de type “parenté” entre manuscrits (toutes langues)

Mais si le phénomène de copie conduit à distinguer les manuscrits des éditions imprimées, et si, pour de toutes autres raisons, l’opposition entre copie et parenté distingue les manuscrits grecs de tous les autres, ces distinctions ne valent cependant plus pour les traductions qu’elles soient manuscrites ou imprimées. La relation au modèle, irréductible au phénomène de copie, fait de leurs auteurs une sorte particulière d’éditeur. Elle offre de grandes possibilités de variation, tout particulièrement dans les formulations, le style, le lexique. Elles ne sont toutefois pas du même ordre que les libertés que prennent les éditeurs de recension. Le fait que certains des primo-traducteurs ont dû forger un lexique géométrique dans la langue de traduction est concomitant du fait qu’ils respectent passablement la structure du modèle. Cette fidélité s’étend parfois même à la lettre du texte lorsqu’il s’agit de traduction mot à mot comme dans le cas de la traduction gréco-latine anonyme transmise dans le Par. lat. 7373. Mais les méthodes vont se perfectionner et certains traducteurs sont de véritables éditeurs procédant parfois à la confrontation de plusieurs modèles.

Cela justifie un traitement commun des relations entre manuscrits et éditions imprimées, avec ou sans changement de langue (à l’exception des manuscrits grecs).

La signification des liens

Des relations variées et complexes

La signification des liens peut varier suivant les parties du graphe. Cela pour au moins deux raisons bien distinctes : l’histoire de ces relations et les analyses qui en ont été faites. Dans cette partie, nous nous concentrons sur les manuscrits grecs et les éditions imprimées de la période sur laquelle ont porté nos analyses. Les relations entre ces versions sont très variées et peuvent être très complexes.

Chaque manuscrit ou édition imprimée a un rapport propre à ses sources qui justifierait d’en donner une représentation propre. La difficulté est de concilier le souci d’en donner une représentation, nécessairement assez uniforme, et d’en respecter la diversité et la complexité. Les liens du graphe en donnent une représentation uniforme. Les publications associées, et surtout les éditions auxquelles le graphe donne accès, permettent de se faire une idée de leur diversité et de leur complexité. Les notices attachées aux liens s’efforcent de préciser les analyses diversement élaborées qui les fondent.

La complexité des relations entre certaines versions requiert des analyses élaborées. Les analyses développées pour cela, sans pouvoir toujours restituer complètement cette complexité, ne peuvent cependant pas être appliquées de manière homogène sur la totalité des textes de l’ensemble du corpus. A nouveau, les notices sont là pour indiquer dans chaque cas ce qu’il en est.

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Notice sur un lien

Les buts des liens

Introduction

Pour rendre compte de la signification des liens figurant sur le graphe il convient dans tous les cas d’en distinguer d’abord la source et le but. A l’exception de l’autographe d’Euclide, qui ne figure pas sur le graphe…, tous ses descendants ont dû être réalisés à partir d’au moins un précédent. Ainsi, chaque nœud du graphe doit nécessairement être la source d’un lien. Pour chaque nœud, un (bout de…) lien peut donc d’emblée être représenté ayant ce nœud pour source.

Il est reste alors à rendre compte de la signification sur le graphe du :

  • but du lien ;

  • type du lien ;

  • support du lien.

La détermination aussi bien que la signification du but, du type et du support du lien sont étroitement interdépendants. celle de son type de celle de son but et celle de son support de celle de son type et de son but, toute dépendant de la source. Nous les traiterons néanmoins autant que possible successivement afin d’indiquer leurs spécificités respectives.

Le but comme représentant : le principe de représentation par le nœud le plus ancien (r.p.a.)

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Prenons l’exemple simple du lien entre le nœud “Briggs 1620” et “Commandino 1572”. Ce lien indique une relation entre le texte latin de l’édition bilingue de Briggs 1620 et la traduction de Commandino 1572. Il existe cependant une réédition de l’édition de Commandino en 1619. Or, nous ne savons pas si Briggs a utilisé l’une ou l’autre. Les deux éditions sont de ce point de vue indiscernables. Chacune pourrait être le but d’un lien partant du nœud “Briggs 1620”. Le choix de l’une plutôt que l’autre est essentiellement arbitraire. Il importe de choisir et que ce choix soit autant que possible uniforme sur l’ensemble du graphe. Nous avons décidé de choisir le premier nœud pour lequel la relation représentée est valable, c’est-à-dire le plus ancien figurant sur le graphe. C’est le principe du choix du représentant le plus ancien (r.p.a).

Pour les imprimés, choisir l’édition la plus proche dans le temps et du lieu de l’édition à la source du lien aurait été inextricable. La première édition est en revanche généralement bien connue et on dispose aussi souvent de versions numérisées.

Le nœud en but d’un lien est donc un nœud quireprésente tous les nœuds pour lesquels la relation représentée est tout autant valable. Il est seulement le plus ancien figurant sur le graphe. Même s’ils n’ont qu’un but unique, les liens identifient donc des ensembles de nœuds, à savoir tous les nœuds du graphe situés au-dessus de leur but pouvant satisfaire la relation représentée par le lien.

Les relations doivent cependant avoir une base textuelle empirique ; elles se rapportent à des documents. Pour les nœuds de manuscrits, il s’agit du manuscrit correspondant quand celui-ci a été conservé. Pour les imprimés, il s’agit de l’exemplaire qui sert de représentant du nœud. Le nœud en but, comme celui en source, indique donc aussi le document servant de base empirique à la relation représentée par le lien, à l’exception de ceux représentant des manuscrits perdus.

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Les autres liens partant du nœud en but, considérés avec leur type, donnent inversement une indication sur les nœuds auxquels le lien est susceptible de s’étendre.

Dans le cas présent, il existe aussi une traduction italienne de 1575, de l’édition de Commandino, avec une réédition aussi en 1619. Le graphe montre des liens qui ont tous comme but l’édition de Commandino de 1572 sur la base du principe de représentation par le nœud le plus ancien (r.n.p.a.). Chacun peut ensuite apprécier la pertinence de la possibilité de les rapporter à d’autres nœuds. Par exemple que la réédition latine de 1619 ait comme source la traduction italienne de 1675 ou même la réédition de 1619.

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L’édition de Clavius 1574 est aussi par exemple le but du lien de source “Fournier 1643”, parce que nous n’avons rien relevé qui justifierait d’établir plutôt un lien avec une édition de Clavius ultérieure. En revanche, l’édition de Clavius 1589 est indiquée en but du lien avec l’édition de Rhodius 1609 parce qu’elles ont plus d’aspects communs qu’avec l’édition de 1574. Mais de la même manière, le lien a été mis sur l’édition de 1589 parce nous n’avons rien relevé qui justifierait d’établir plutôt un lien avec les éditions de Clavius de 1591 ou de 1603.

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Les noeuds sont des représentants en trois sens différents qu’il convient de distinguer:

  • en tant que nœud: ils sont les représentants des textes auxquels ils sont associés ;

  • en tant que but d’un lien : ils sont les représentants des nœuds auxquels la relation représentée par le lien est aussi valable ;

  • en tant que source d’un lien : ils sont les représentants des textes représentés par le nœud mais réduits au support du lien considéré.

Des liens relatifs au corpus

Le principe r.p.a implique cependant aussi que la même relation n’est vérifiée pour aucun des nœuds du graphe plus ancien que celui retenu. Aux évidentes considérations chronologiques près (un texte n’utilise pas une version postérieure…), la détermination du but d’un lien engage de ce fait l’ensemble des nœuds du graphe, c’est-à-dire en définitive le corpus complet des manuscrits et imprimés d’Euclide. Le lien entre Briggs 1620 et l’édition de Commandino de 1572 indique que la dépendance qu’il représente est plus forte avec l’édition de Commandino de 1572 qu’avec tous les autres nœuds, à l’exception de ceux pour lesquels le principe du représentant le plus ancien s’applique. La valeur des liens est par conséquent fonction du corpus dans lequel ils s’inscrivent. L’extension de celui-ci se répercute inversement sur l’ampleur des vérifications nécessaires à l’établissement d’un lien.

Une version ne pouvant avoir de lien qu’avec une autre figurant sur le graphe, il importe que celui-ci soit de ce point de vue le plus complet possible. Ainsi, dans un corpus qui serait réduit à deux textes, n’importe quelle autre texte ne pourra avoir pour modèle que l’un ou l’autre, ce qui pourra en effet être très facilement et rigoureusement établi. Mais la conclusion obtenue n’en sera pas moins tributaire du corpus très restreint considéré. Quelque soit les similitudes entre deux versions, l’établissement d’un lien entre elles fait intervenir l’ensemble des textes du corpus.

Si pour des raisons plus ou moins recevables on peut exclure certaines possibilités, par exemple que l’édition en français de Forcadel de 1564 soit la traduction d’un manuscrit arabe perdu, celles qui restent, aussi bien pour les manuscrits que pour les éditions imprimées, impliquent des vérifications considérables. A nouveau, ces vérifications sont nécessaires dès lors que l’on ne s’en remet pas aux indications données par les auteurs.

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Les deux dimensions des liens

L’extension des vérifications nécessaire à l’établissement d’un lien comprend deux dimensions, l’une selon l’étendue considérée du texte (première dimension), l’autre suivant l’étendue du corpus considéré (seconde dimension). La première dimension, l’étendue considérée du texte, définit le support du lien.

Mots-clefs et liens

Les mots-clefs ont à cet égard l’intérêt de définir des relations très bien définies, en l’occurrence celle se déduisant de la définition du mot-clef.

Les mots-clefs étendus (voir ci-dessus) ne définissent cependant aucun lien à support étendu pertinent. Par exemple, le mot-clef relatif à l’existence de démonstrations “euclidiennes” conduirait à créer des liens d’un type (relativement…) bien défini dont le support serait tout le texte mais ayant pour source n’importe quelle version ayant ce mot-clef et pour but la plus ancienne d’entre elles figurant sur le graphe.

Les mots-clefs ponctuels (voir ci-dessus) permettraient de créer des liens de types aussi très bien définis, mais à support cette fois ponctuel, et donc trop restreints pour établir des liens vraiment pertinents entre deux versions. Leurs combinaisons sont pour cela bien plus pertinentes et les fonctionnalités du graphe permettent d’en visualiser toutes les combinaisons logiques possibles. Cette visualisation est utile, mais le support des liens ainsi établi demeure limité au nombre de mots-clefs considérés, soit in fine quelques points clairsemés dans l’ensemble du texte. C’est bien trop peu pour établir des relations de dépendance pertinentes entre deux textes.

Certaines combinaisons peuvent cependant suffire à caractériser des liens du graphe. Elles sont significatives dans la mesure où elles impliquent bien l’ensemble du corpus (deuxième dimension). Elles ne doivent pas cependant être confondues avec la relation représentée par le lien dont elles ne peuvent rendre compte ni du type, ni de l’extension c’est-à-dire du support de celui-ci, sauf à définir le type par ces quelques mots-clefs et à réduire le support à quelques points.

Les fonctionnalités du graphe permettant de trouver les mots-clefs communs à deux nœuds quelconques, et les mots-clefs retenus étant suffisamment nombreux, ces mots-clefs communs établissent une relation très bien définie, textuellement fondée, qui n’est souvent vérifiée que par ces deux noeuds. On pourrait ainsi justifier un lien entre à peu près tous les nœuds. Les combinaisons de mots-clefs ne permettent donc que de contrôler les liens représentés, pas de les établir.

Cela montre aussi qu’avec des types de liens définis de manière trop souple, susceptibles de varier avec chaque couple de nœuds considérés, comme le permettent les diverses combinaisons des mots-clefs, à peu près n’importe quel nœud pourrait être la source d’un autre. Il est donc nécessaire d’avoir peu de types de liens et que leur définition soit uniforme sur l’ensemble du corpus.

Les types des liens

Ce qui précède a établi la nécessité d’avoir un nombre réduit de types de liens définis uniformément sur l’ensemble du corpus (deuxième dimension). Le nombre réduit de types considérés (“copie”, “parenté”, “traduction”, “nouvelle édition”), les deux premiers étant propres aux manuscrits, satisfait cette condition et prémunit contre l’écueil d’une typologie trop souple qui, en variant avec les nœuds, ne ferait qu’enregistrer les partis pris ayant servi à sa définition.

Les liens de type “copie” et de type “parenté” sont propres aux manuscrits. Ils qualifient la relation entre deux exemplaires établie sur la comparaison de leurs divergences partagées,codicologiques et philologiques. Ces dernièresont été identifiées sur un échantillon du texte (environ 20 %).

La dépendance ainsi suggérée entre deux exemplaires peut être forte (“copie”) ou moins forte (“parenté”). La relation de “copie” implique aussi l’antériorité chronologique du modèle sur la copie, tandis que la “parenté” ne présuppose rien de tel et s’applique notamment à des manuscrits non datés, mais chronologiquement proches.

Les éventuelles informations sur leurs modèles données dans les textes sont descompléments aux relations établies indépendamment.

Les notices sur les liens servent à préciser ces différents cas de figure et à apporter certaines précisions spécifiques.

Dans le cas des imprimés, et particulièrement pour la période sur laquelle ont porté nos analyses, les liens de type “nouvelle édition” et “traduction” recouvrent des dépendances qui peuvent être d’une nature et d’une complexité très variables. Ils n’ont aucune définition intrinsèque propre. Ils ne font que retenir l’opposition pertinente d’extension maximale toujours applicable à deux éditions : être ou pas de même langue.

Les supports des liens

Aucun des quatre types considérés n’a de support a priori déterminé. Leur support peut être l’ensemble du texte ou n’importe quelle partie de celui-ci, connexe ou non. Pour les imprimés, ces supports sont généralement trop compliqués pour être simplement décrits. Dans les manuscrits, ce n’est pas le cas : il s’agit d’intervalles dans la plupart des cas, traduisant le recours à plusieurs sources successives, ce qui se manifeste parl’existence de plusieurs liens aboutissant au même nœud.

Pour les manuscrits, n’importe quel aspect de n’importe quelle unité textuelle peut être mobilisé dans l’établissement d’un lien, aussi bien les caractéristiques matérielles (par exemple la mise en page, le mode de composition du codex, l’annotation, la détérioration ou la restauration de l’exemplaire) que textuelles. Pour les imprimés,par contraste, les unités textuelles considérées sont limitées à celles du texte principal, c’est-à-dire aux principes (définitions, demandes, notions communes) et aux énoncés et démonstrations des propositions. Sont a priori exclus les preuves aliter, les commentaires ou scholies, et les divers ajouts. Avec cependant des exceptions pour certaines preuves aliter transformées en démonstrations, des scholies particulièrement importantes (scholie au début du Livre V), et les ajouts pertinents pour établir des filiations.

Le support des liens entre manuscrits (type “copie” ou “parenté”) est déterminé en termes de constituants, soit matériels (par exemple les cahiers dont sont composés les manuscrits), soit textuels (les Livres ou groupes de Livres) pour lesquels la relation est valide.

Plusieurs phénomènes codicologiques propres à la transmission d’un texte long comme les Éléments (copie par juxtaposition de modèles successifs ; restauration de portions détériorées) font que plusieurs liens peuvent aboutir au même nœud.

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Par exemple, le support du lien entre Zamberti et le Paris. 2344 est constitué des portions I.Df—VIII.25 (en partie) + Livres X-XI. Le changement de modèle a été nécessaire à cause de la perte d’un cahier qui a fait disparaître la portion VIII.25 (2e partie)—IX.14 (1ère partie). Cela dit, pour la fin de VIII.25 et la portion VIII.26-IX.36, Zamberti a choisi un autre manuscrit le Marc. gr. Z 302, alors qu’il n’y était pas obligé pour IX.14 (2ème partie)-IX.36 : c’est un choix éditorial. Pour les Livres XII à XV, un troisième exemplaire a été utilisé, le Leidensis Scaliger gr. 36 ; voir schéma ci-dessus. Il faut savoir que l’identification des modèles de la version imprimée de 1505 a été grandement facilitée par le fait que ce sont les mêmes modèles que le Vénitien avait employé pour copier le Leidensis BPG 7 ; or, dans ce cas, l’écran que peut constituer le phénomène de traduction du grec au latin n’existe pas.

Les différences entre supports de liens, éventuellement conjugués à un principe d’économie, font que l’usage du principe r.p.a. est plutôt rare pour les manuscrits. Prenonsl’exemple du lien entre le nœud “Vat. 196” et “Paris. 2466 = p” :

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Ce lien indique une relation, en l’occurrence de copie, entre le manuscrit Vat. 196 et le Paris. 2466 = p. Il serait cependant tout à fait envisageable que le Vat. 196 ait été copié sur le Laur. 28.8 = λ, plutôt que sur le Paris. 2466 plus ancien car le même lien existe aussi entre le Laur. 28.8 = λ et le Paris. 2466 et ces deux manuscrits sont, de ce point de vue, indiscernables :  un lien pourrait aussi bien être mis entre λ et Vat. 196. Mais le support du lien entre le Vat. 196 et le Paris. 2466 est la portion VIII.21 (en partie)—XIII.18, tandis que celui entre λ et le Paris. 2466 est la portion XI.34 (en partie)—XIII.18. Si donc nous posions un lien hypothétique entre λ et Vat. 196 sur le support

XI.34 (en partie)—XIII.18, il faudrait toutefois considérer un lien entre le Vat. 196 et le Paris. 2466 pour VIII.21 (en partie)—XI.34 (en partie). Le principe d’économie commande de choisir un seul lien, celui dont le support est le plus grand.

La notice attachée à un lien permet d’en préciser le support, c’est-à-dire l’étendue de la relation considérée (Livres ou cahiers concernés, lacunes, etc.).

Littérature secondaire relative aux liens

Comme pour les noeuds, MÉδÉE propose une sélection de travaux traitant spécifiquement des relations entre les manuscrits et les imprimées. Ces travaux sont aussi distingués selon qu’ils comprennent :

  • une étude du lien considéré

  • seulement des remarques

  • des critiques

  • ou ne font que le citer

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Publications selon leur type relatives à un lien

Les publications recensées se rapportent au type spécifique du lien (“copie”, “parenté”, “traduction”, etc.) indiqué dans le menu déroulant en haut du cartouche de gauche.

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Comme pour les nœuds, il est ainsi possible d’observer la reprise de certaines assertions relatives à des liens entre versions indépendamment de leur validité. Ces cas sont cependant plus nombreux que cela n’apparaît sur le graphe car nous n’y avons pas fait figurer les liens que nous considérons ne pas exister. Ces références se retrouvent cependant parmi celles faisant des remarques sur les deux nœuds concernées.

L’analyse de l’édition de Billingsley par exemple a seulement permis d’établir un lien avec Lefèvre d’Étaples 1516, sans pouvoir distinguer s’il s’agit de cette édition ou de l’une de ses rééditions. Mais des annotations de la main de Billingsley sur un exemplaire de la réédition de Herlin de 1558 signalées dans Archibald 1950 permettent de considérer que c’est plus précisément l’édition de 1558 qui a été utilisée. C’est par conséquent cette édition qui a été indiquée en but du lien. L’article d’Archibald apparaît quant à lui dans la liste des publications faisant des remarques sur ce lien. Ces remarques, qui rendent compte du choix du but, apparaissent en cliquant sur l’entrée “remarques…” associée à cette publication. Cette information n’est ainsi pas dissociée de la publication qui en est à l’origine. Elle est bien néanmoins seulement un complément à l’analyse de la relation entre l’édition de Billingsley et celle de Lefèvre d’Étaples 1516 qu’elle ne remplace pas.

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Citation de remarques faites par une publication sur un lien