Thèse dirigée par : Kapil Raj & David Aubin.
Jury :
David Aubin, IMJ-PRG (co-directeur)
Gianenrico Bernasconi, Université de Neuchâtel
Guy Boistel, Centre François Viète (EA 1161), Université de Nantes (rapporteur)
Jérôme Lamy, CNRS, CERTOP (UMR 5044), Université Toulouse Jean-Jaurès (rapporteur)
Irène Passéron, IMJ-PRG
Kapil Raj, EHESS (directeur)
Simon Schaffer, Université de Cambridge (rapporteur)
Résumé
En 1667, commence la construction de
l’Observatoire à Paris. Dès son origine, c’est un projet qui représente
une rupture dans l’Europe des savoirs. On le conçoit comme un magnifique
palais installé dans un vaste parc au milieu d’autres constructions
plus légères. Idéalement, les savants de la nouvelle Académie des
sciences, fondée dans un même geste, pourront y loger, s’y réunir et y
trouver toutes facilités pour se livrer à la pratique savante. Pour le
roi, il s’agit avant tout de développer les connaissances astronomiques
et géographiques : l’Observatoire est le réservoir de cette expertise
cruciale et le symbole de son pouvoir et de son rayonnement.
Au
carrefour des sciences studies, de l’histoire des pratiques
d’observation astronomique et des études sur les correspondances
savantes à l’âge classique, cette thèse a pour objet de revenir sur
l’histoire de l’Observatoire, en interrogeant à nouveaux frais les
contours précis du projet initial et les modalités de sa mise en œuvre
dans le Grand Siècle, qui correspond aux premières décennies de son
existence. Revisitant les travaux classiques des historiens des
sciences, notre étude se structure autour d’un ensemble considérable de
lettres et de notes inédites de Giovanni Domenico Cassini et de ses
correspondants. Professeur d’astronomie à Bologne jusqu’en 1669,
astronome royal et premier savant courtisan de Louis XIV par la suite,
Cassini est appelé en France pour donner un avis sur le bâtiment en
construction. Il y vivra et travaillera pendant tout le Grand Siècle :
ses manuscrits constituent une source particulièrement riche pour
étudier cette institution, réinterroger les choix fondamentaux la
concernant et suivre l’évolution de son dessein.
De cet examen,
nous concluons que bien que d’autres lieux d’observation céleste aient
existé auparavant, Cassini invente une nouvelle forme d’organisation de
la pratique savante. Fonctionnant sans règles explicites, l’Observatoire
innove cependant grandement dans l’organisation du travail collectif au
sein d’un établissement dédié à la pratique astronomique et dans la
constitution de réseaux d’observateurs aux quatre coins du monde
travaillant de manière coordonnée à la poursuite d’un projet commun au
service de la monarchie. Nous montrons que le savant organise
l’Observatoire autour d’un concept qui provient de son travail sur les
méridiennes italiennes, l’esattezza des mesures et de l’écart entre
terre et ciel. Les techniques de l’Observatoire se répandront ainsi
grâce à lui : les réseaux de sociabilité de l’Italien conditionneront le
fonctionnement quotidien de l’établissement et la circulation des
savoirs dans la ville et dans le monde entier.